La sécheresse de 2022 est à l'origine d'étiages très sévères sur de nombreux cours d'eau du bassin Rhin-Meuse, avec des débits particulièrement faibles aux mois de juillet et août. Cette situation a provoqué des difficultés d'approvisionnement en eau et a nécessité la mise en place progressive de mesures de restrictions des usages de l'eau.
L'année 2003 a mis en évidence la vulnérabilité du territoire national face au risque de pénurie d'eau. La nécessité de mieux anticiper ces situations et d'améliorer la gestion de l'eau pendant ces épisodes a abouti à la mise en place en 2005 du Plan Cadre Sécheresse. Désormais, des mesures de restriction anticipées sont décidées, des bulletins sécheresse sont publiés. A l'échelle régionale, le Centre d'Etudes Géographiques de l'Université de Metz développe en 2006 pour l'Agence de l'Eau Rhin-Meuse le dispositif PRESAGES, un ensemble d'outils d'évaluation et de prévision des débits d'étiage. Plus récemment, et dans la perspective de sécheresses plus intenses, des outils opérationnels pour la prévision des étiages (comme les projets PREMHYCE et CIPRHES) ont été développés à l’échelle nationale.
L'ensemble de ces outils de suivi et de prévision permettent de mettre en place des mesures progressives afin de prévenir les déséquilibres entre prélèvements et ressources disponibles. Le Plan Cadre Sécheresse, relayé par les arrêtés cadres interdépartementaux à l'échelle des bassins versants, définit quatre seuils en fonction de la gravité de la situation hydrologique :
La situation hydrologique et les mesures de limitation des usages de l'eau ont impacté de nombreux secteurs d'activité. La presse permet de dresser un premier bilan de cette sécheresse socio-économique.
L'enjeu majeur a concerné la sécurisation du réseau d'alimentation en eau potable pour assurer la continuité de l'approvisionnement et éviter le manque d'eau.
A Gérardmer, fin juillet des points de captage d’eau potable avaient baissé de sept mètres en dix jours. Début août, la situation dans la commune est critique, à tel point que la municipalité décide de pomper l’eau du lac pour pallier ce manque d’eau. Cette situation extrême n'est cependant pas inédite : de l'eau avait été pompée lors de l'épisode caniculaire de 2003, puis quelques jours en 2015, et trois semaines en 2020. La consommation d'eau à Gerardmer est stagne sur les dix dernières années, mais la pénurie est en partie liée au tourisme (entre 20 et 30 000 personnes contre 8 000 habitants en temps normal) et à une ressource en baisse. La commune va réaliser au travers d’un plan territorial eau-climat un diagnostic global pour savoir qui consomme et combien afin de lancer un plan d’action en collaboration avec l’Agence de l’eau.
Les sécheresses de ces dernières années ont encouragé de nombreux travaux pour l'interconnexion des réseaux d'eau. Ainsi, le syndicat d’eau de Montbozon, Thiénans, Besnans qui avait manqué d'eau en 2018 et 2020 s'est tourné vers le syndicat voisin de la Grange brûlée des communes de Bouhans-lès-Montbozon, Cognières et Thieffrans qui a accepté la réalisation d'une jonction. Mi-juillet à Écrouves le débit des sources qui alimentent les deux réservoirs de la commune était trop bas entraînant l’arrêt du captage, mais l’alimentation a pu être assurée par le réseau de Toul. Comme en témoigne Laurent Guyot, le vice-président à la CC2T en charge de l’eau potable (Est Républicain, 23/07/2022) : « C’est là que la sécurisation prend tout son sens ». « Le but est de mailler le territoire pour que les communes ne soient jamais en rupture d’eau ». Sur le terrain, cela se traduit par le doublement du réseau, comme c’est le cas entre Velaine et Gondreville mais aussi le raccordement de communes entre elles à l’image de Trondes reliée depuis la semaine dernière à Foug. En ce moment, Royaumeix est « secouru » par Ménil-la-Tour (Est Républicain, 23/07/2022). La commune de La Bresse a également fait preuve de solidarité durant l'été, en livrant de l'eau par camion-citerne à la commune de Ventron qui était en difficulté sur son réseau d’eau. D'autres communes ont été approvisionnées en camion citerne, notamment pour assurer l'approvisionnement des particuliers non raccordés aux réseaux d’eau communaux et qui peuvent dépendre de sources. C'était notamment le cas à Cornimont, commune dans laquelle des livraisons en citerne sont fréquemment organisées pour assurer les besoins domestiques.
La récurrence des sécheresses ces dernières années a donc conduit les collectivités à entreprendre des travaux de sécurisation des réseaux. Ainsi, en Meuse, différentes collectivités, syndicats des eaux ou entreprises privées ont entrepris de gros travaux pour sécuriser leurs réseaux et améliorer leurs rendements, pour réduire les pertes en eau et financières. Le syndicat mixte Germain-Guérard (SMGG), installé à Beausite, alimente en plus des habitants beaucoup d’éleveurs. L’eau potable dans cette région n’est pour l’instant pas un problème car « prélevée en ressource souterraine », et car le réseau du syndicat est interconnecté et sécurisé par de multiples vannes pour gérer les éventuelles fuites, mais des travaux sont toutefois prévus pour créer un forage supplémentaire en 2023. Une autre difficulté était liée aux fuites provoquées par des cassures dans les conduites en fonte, en raison de la sécheresse qui provoque des mouvements de rétractation du sol
D'autres travaux devraient être entrepris dans l'année : L’Agence de l’eau Rhin-Meuse a en effet annoncé l’adoption d’un plan d’aides de 30 millions d'euros visant à renforcer la capacité de la région à faire face à la grande sécheresse en améliorant l’approvisionnement en eau par le biais de différents dispositifs.
Les restrictions des usages de l'eau perturbent également les centres sportifs et de loisirs tels que les golfs, les centres équestres, les piscines ou le foot : les centres équestres souffrent par exemple des restrictions d'usage de l'eau, car si le sable n'est pas arrosé il ne devient pas compact et les chevaux risquent des tendinites ; la piscine de Champigneulles, fermée pour vidange et travaux tout l'été, devait rouvrir le 29 août, mais l'arrêté préfectoral interdisant le remplissage des piscines privées mais aussi publiques, celle-ci est restée fermée jusque début novembre ; le monde du foot subit également les conséquences de la sécheresse et des restrictions d'eau car les pelouses sont impraticables et les matchs doivent être déplacés dans des communes disposant de gazon synthétique. Mais si les matchs peuvent se jouer sur gazon synthétique, l'eau est parfois interdite dans les vestiaires : le 2 septembre dans l'Est Républicain, le président du club de Villerupt-Thil Roland Cirratique déclarait : « On ne peut plus prendre de douches ! » ; « ici, les nappes sont à sec » ; on peut également lire dans un article du 14 juillet (Est Républicain) que l'activité de loisir de la société Air board à Gérardmer, une bouée sur laquelle on effectue des descentes sur une piste mouillée, a dû être décalée en soirée.
D'autres mesures ont dû être prise en raison de la sécheresse. On peut ainsi lire dans la presse que les jardinières ont été retirées dans plusieurs villes, notamment à Toul et Lunéville vers la fin août. A Pont-à-Mousson, la mairie a été critiquée car elle poursuivait l'arrosage de ses stades et des plantes ; la commune se défend en expliquant que l'arrosage était assuré avec de l'eau de récupération. La mairie précise d'ailleurs que l’arrosage des jardinières est désormais automatique, ce qui permet de consommer quatre fois moins d’eau qu'un arrosage manuel. La commune mentionne par ailleurs son souhait d'investir dans la plantation de massifs pour rafraîchir l’atmosphère de Pont-à-Mousson. D'autres exemples de mesures d'adaptation à la sécheresse ont été rapporté dans la presse. Le CHRU de Nancy a ainsi fait l'acquisition de trois tunnels de lavage nouvelle génération, ce qui a permis une économie d'eau de 39% sur les 4 dernières années. L'établissement a également investi dans des brise-jets, pour réduire le débit des robinets, et dans des compteurs télérelevables pour identifier des consommations anormales d’eau. Enfin, il précise que le niveau de consommation d’eau est désormais systématiquement pris en compte lors de nouveaux achats.
Parmi les secteurs d'activité directement touchés par les restrictions d'usage de l'eau, on peut également mentionner les stations de lavage suite à l'interdiction de lavage des véhicules dans les stations professionnelles en raison du dépassement du seuil de crise.
Mais la sécheresse a également fortement touché le monde agricole. On peut lire dans l'Est Républicain du 23 juillet que les agriculteurs de Moselle ont demandé à l’État une aide locale. Les agriculteurs sont en effet directement impactés par les restrictions d'eau (interdiction d'irriguer par aspersion, seul le goutte à goutte est autorisé en situation d'alerte renforcée atteinte quasiment dans tout le bassin fin juillet). La chaleur impacte les animaux. De plus, les prairies étant sèches, les troupeaux n'ont plus rien à manger, ce qui contraint les agriculteurs à apporter du foin chaque jour mais aussi de l'eau. On peut lire dans l'Est Républicain du 18 août le témoignage d'agriculteurs du Toulois : Antoine Grosjean, agriculteur à Villey-Saint-Étienne témoigne : « heureusement que l’année dernière, nous avons pu faire plusieurs coupes, pour avoir un bon stock de fourrage et des réserves importantes. Cela nous permet de nourrir les vaches ». Pour Mathieu et Luc Wenské, éleveurs de moutons et de quelques vaches dans la même commune , la situation est catastrophique : « les puits dans les parcs sont à sec, il faut faire le tour des parcs chaque jour pour apporter de l’eau, soit environ 8 000 litres/jour. Sans oublier le foin ! »
La consommation en eau sur le réseau potable a battu les records selon plusieurs témoignages d'agriculteurs.